
Entre 2019 et 2025, les loyers au Québec ont connu une hausse vertigineuse, parfois de plus de 70 %. Cette crise touche toutes les régions : de Montréal à Québec, en passant par les petites villes comme Sherbrooke ou Trois-Rivières. Mais à qui revient la responsabilité de cette flambée? Les propriétaires, les municipalités, le gouvernement provincial, ou un mélange des trois?
Voici une analyse complète et structurée du phénomène.
Loyers trop chers? Voici pourquoi
📈 1. L’ampleur du problème
- Dans la région de Québec, le loyer moyen d’un 4½ est passé de 1 130 $ en 2019 à 1 470 $ en 2025.
- Un logement d’une chambre se loue désormais 1 210 $, contre 710 $ cinq ans plus tôt.
- À l’échelle du Québec, un 4½ coûte en moyenne 1 828 $ en 2024, contre 1 222 $ en 2020.
Pour les ménages à faible ou moyen revenu, c’est devenu inabordable, forçant des milliers de locataires à faire des sacrifices importants, ou à quitter leur quartier.
🏠 2. Les propriétaires : entre investissement légitime et abus
- Les propriétaires ont la liberté de proposer la hausse qu’ils souhaitent au renouvellement de bail. Le TAL publie un taux indicatif (ex. : 5,9 % en 2025), mais il n’est pas obligatoire.
- Plusieurs propriétaires en profitent pour imposer des hausses abusives ou pour « oublier » d’indiquer l’ancien loyer sur le nouveau bail.
- Le phénomène des “rénovictions” (éviction pour rénovations majeures, suivie d’une augmentation drastique) est devenu courant, souvent sans réel encadrement.
👉 Bien que tous les propriétaires ne soient pas abusifs, le système favorise ceux qui veulent maximiser leurs profits, au détriment des locataires vulnérables.
🏛️ 3. Le gouvernement : des lois faibles et mal adaptées
- Le gouvernement provincial n’impose aucune limite légale stricte à l’augmentation des loyers.
- Le projet de loi 31 (2024) affaiblit la protection des locataires, notamment en permettant aux propriétaires de refuser un transfert de bail, ce qui empêche les nouveaux locataires de bénéficier d’un ancien loyer plus bas.
- Le manque d’investissement dans les logements sociaux est criant : sur 9 000 logements annoncés, plusieurs milliers restent non construits. Pendant ce temps, 37 000 ménages attendent un HLM.
👉 Le gouvernement manque de courage politique pour instaurer de véritables mécanismes de contrôle et soutenir la construction abordable.
🌆 4. Les municipalités : urbanisme lent et Airbnb en croissance
- Des règlements de zonage trop rigides, des permis de construction trop longs à émettre et peu d’incitatifs à construire du locatif contribuent à ralentir l’offre.
- La prolifération des locations Airbnb retire des milliers de logements du marché locatif traditionnel.En 2023, 90 % des 29 000 annonces Airbnb au Québec étaient pour des logements entiers.
👉 Les municipalités ferment souvent les yeux sur la conversion des logements locatifs en hébergements touristiques.
🧾 5. Taxes municipales : un facteur souvent oublié mais bien réel
- Lorsqu’une municipalité augmente ses taxes foncières, les propriétaires ont le droit légal de refiler cette hausse aux locataires sous forme d’augmentation de loyer.
- Avec l’explosion des évaluations municipales (+25 % à 45 % dans certaines villes entre 2021 et 2024), les hausses de taxes sont devenues un moteur silencieux de l’inflation des loyers.
- Le TAL permet explicitement ce transfert. Exemple : si les taxes augmentent de 1 000 $ sur un immeuble de 5 logements, cela peut justifier une hausse de 200 $ par logement/an.
👉 Bien que les villes ne fixent pas les loyers, elles influencent directement leur montée par leur fiscalité.
📊 6. Les causes structurelles
- Hausse de la population (+153 000 en 2022‑2023) combinée à une baisse de la taille des ménages = plus de logements requis.
- Coût de construction en hausse : inflation, matériaux, pénurie de main-d’œuvre.
- Parcs locatifs achetés par des fonds d’investissement, qui voient les logements comme des produits financiers.
🧮 7. Qui est responsable? — Tableau synthèse
| Acteur | Responsabilités principales |
|---|---|
| Propriétaires | Hausse libre des loyers, renovictions, manque de transparence |
| Gouvernement provincial | Aucune loi limitant les hausses, Loi 31 anti-locataires, sous-investissement dans le logement social |
| Municipalités | Délai de permis, zonage restrictif, manque de logements neufs, tolérance envers Airbnb |
| Taxes municipales | Hausse des taxes foncières transférée légalement aux locataires, sans contrôle, particulièrement à la suite des réévaluations massives |
✅ 8. Des pistes pour freiner la hausse?
- 📌 Contrôle obligatoire des loyers, incluant les constructions récentes.
- 📌 Création d’un registre public des loyers pour éviter les abus.
- 📌 Accélération de la construction de logements sociaux et abordables.
- 📌 Encadrement des Airbnb pour protéger le parc locatif.
- 📌 Révision du rôle fiscal des municipalités afin de limiter les effets de cascade sur les loyers.
- 📌 Modernisation du zonage et allégement administratif pour construire plus rapidement
- 📌 Réforme du Tribunal administratif du logement (TAL) pour rendre les contestations plus simples et plus rapides.
- 📌 Planification du logement en lien avec l’immigration :
Le Québec accueille chaque année des dizaines de milliers de nouveaux arrivants. En 2023, plus de 150 000 personnes sont venues s’installer dans la province — un record. Cette croissance, non accompagnée d’une politique claire de construction résidentielle, accentue la rareté des logements, surtout dans les grands centres comme Montréal et Québec.
👉 Il ne s’agit pas de freiner l’immigration, mais de mieux la planifier avec un plan provincial de logement réaliste et prévisible.
📝 Conclusion
La crise du logement au Québec ne repose pas sur un seul responsable, mais sur une combinaison d’actions (ou d’inactions) :
- Les propriétaires profitent des failles du système.
- Le gouvernement laisse faire, sans législation suffisante.
- Les municipalités n’agissent pas assez rapidement, et imposent des taxes qui aggravent la situation.
Si rien ne change, le logement deviendra un privilège au lieu d’un droit fondamental.